Il y 190 ans, à Issy-les-Moulineaux, naissait une école : Saint Nicolas. Il y a 300 ans, à Rouen, mourait un saint : Jean-Baptiste de La Salle.
Quelle relation entre ces deux anniversaires fêtés durant ce mois de mai ? Le premier n’aurait pas existé sans le second. En effet l’établissement scolaire La Salle Saint-Nicolas participe de l’aventure lasallienne car les Frères des Ecoles chrétiennes, fondés par Saint Jean-Baptiste de La Salle, l’ont développé et animé durant des décennies, et il continue à faire partie des 150 établissements lasalliens en France et du réseau lasallien présent dans 78 pays du monde. Au-delà de cette relation historique et institutionnelle, le plus important est l’actualité de l’intuition qui a poussé un prêtre de l’élite bourgeoise rémoise à s’intéresser à une tâche peu valorisée à son époque : la formation intellectuelle et l’éducation des enfants du peuple.
Son intuition est que les chrétiens ont une responsabilité particulière comme médiateurs de fraternité. Une école inspirée par l’Evangile se doit d’être un « laboratoire de fraternité ». En effet les enfants ne sont pas encore imprégnés des préjugés des adultes et, dans le cadre scolaire où se déroule une bonne partie de leur vie, ils peuvent faire l’expérience qu’un style de relation imprégné de fraternité est possible si entre adultes, entre adultes et jeunes, se nouent des relations de confiance et d’entraide. Cette confiance repose sur la connaissance réciproque, sur un a priori favorable, un accueil des différences, la volonté de promouvoir le bien commun, l’espérance en l’éducabilité de tout jeune, une efficacité dans la recherche de la réussite individuelle et collective.
Une autre conviction de Jean-Baptiste de La Salle est que l’école doit se soucier de développer toutes les dimensions du jeune : son intelligence, son corps, sa sensibilité, son sens social, sa conscience, sa vie spirituelle. Dans une perspective inspirée de l’Evangile, il s’agit de faire en sorte que les jeunes « aient la vie et l’aient en abondance » (Jean 10 10). Or la vie selon l’Evangile ne se réduit pas à obtenir des diplômes afin d’acquérir richesse et pouvoir. C’est pourquoi Jean-Baptiste de La Salle préconise une éducation qui offre la possibilité de prendre des responsabilités, de réaliser des projets collectifs, de développer la conscience de la dimension transcendante de chaque être humain (« L’Homme passe l’Homme » disait le philosophe Pascal), de nouer une relation avec Dieu. C’est une ambition exigeante, en particulier pour les responsables et toutes les personnes travaillant au service des jeunes. La conviction de Jean-Baptiste de La Salle et, à sa suite, des lasalliens est que cette ambition est à la hauteur de la foi en Jésus pour les chrétiens, et de la foi en l’Homme pour ceux qui ne partagent pas la foi chrétienne et qui pourtant se reconnaissent lasalliens.
Frère Jacques d’Huiteau.