On a longtemps appelé l’évangile de ce dimanche « LE fils prodigue », et puis l’évidence s’est imposée qu’il s’agit des DEUX fils. A y réfléchir, le récit s’achève sans que le fils aîné ait accepté de rentrer dans la maison du Père qui pourtant sort le supplier. Le fils aîné fait ce reproche au Père : tu ne m’as jamais donné de quoi faire un festin ; réponse du Père : « mais, TOUT CE QUI EST A MOI EST A TOI ».
La plainte du fils aîné fait penser au texte latin du Magnificat « exurientes divitis inanes » dont la traduction au plus près est : il renvoie les riches MOURANT de FAIM. Il y a une façon masochiste et stérile de garder les territoires et les troupeaux du maître de la moisson, de la vigne et des brebis. Elle est faite de jalousie et d’envie comme on l’entend de la part du fils aîné dans l’évangile : les autres, les déviants, les « pas-bien » se gobergent de choses délicieuses qui ne nous sont pas permises. La technique, pour dépérir assis sur un trésor, c’est de mourir d’envie. L’étape suivante, c’est de faire expulser des terres du maître tous les suspects, de profiter de ces conduites immorales et délicieuses et de s’en auto-proclamer gardes- frontières et surveillants. Puis de sécher sur pied : « tu ne m’as jamais donné… ».
Mais ce n’est pas si simple d’aller à l’opposé : « par les chemins, pauvres de tout, partagez notre joie* ! » Tout nous est ouvert mais, dans ce que le Père nous a donné, le blé pousse en même temps que le chiendent dans les champs, des arbres offrent le meilleur et d’autres le pire dans les plantations et, sur le chemin des rencontres, les belles figures côtoient les malveillants et les cabossés se mêlent aux épargnés. Et voici pourtant que nos prières n’en finissent pas de remercier pour ce dont le Père nous comble : « Tu nous aimes tellement que tu inventes pour nous ce monde immense et beau » « C’est toi qui as formé l’homme à ton image et lui as soumis l’univers et ses merveilles ; tu lui as confié ta création pour qu’en admirant ton oeuvre il ne cesse de te rendre grâce par le Christ, notre Seigneur ».
Oui, tout ce qui est au Père est à nous pour que nous y trouvions notre joie.
Yves Le Corre, diacre.
*chant noté T52, qui poursuit :
Soyez signes d’amour, de paix et de tendresse
Ayez un cœur d’enfant, soyez simples et vrais.