C’est ainsi qu’on se salue de plus en plus en ces temps troublés. Cela rappelle une ancienne façon de finir une lettre chez les Romains « Vale, et nos ama » – « porte-toi bien et aime-nous ».
En ce dimanche du Bon Pasteur et de confinement, « le soin » dont chacun se préoccupe est plus concret, plus immédiat, plus charnel qu’il ne l’a jamais été. La cellule de vie limitée où chacun partage son quotidien n’est pas virtuelle, numérique ou mondialisée, mais familiale, professionnelle ou de circonstance. Ce sont des lieux de vérités et d’exigences, où chacun essaie de tirer le meilleur de ce qu’il peut faire, de ce qu’il peut être. Par exemple, un père davantage patient et amusant pour les enfants, une maman davantage cuisinière et indulgente, un enfant davantage attentif aux difficultés des autres. Ce qui n’est pas étranger à cette parole du Pape François, proposée comme lecture du mois de mai : « Pour accomplir sa propre vocation, il est nécessaire de développer, de faire pousser et grandir tout ce que l’on est […], de se découvrir soi-même à la lumière de Dieu et de faire fleurir son propre être ».
Se découvrir des talents pas évidents, c’est aussi apprendre à se connaître autrement qu’en évoquant ses limites, et se construire concrètement sans ressasser ses impossibilités. Cela fonctionne dans les deux sens car il faut le contact des autres pour reconnaître et améliorer un talent. « Moi, je connais mes brebis et mes brebis me connaissent » dit Jésus à un autre passage de l’Evangile. Cette connaissance est un regard d’amour qui fait grandir en s’adressant à la vérité immédiate des personnes. Le Bon Pasteur appelle ses brebis chacune par leur nom, et c’est ce qui les met en route. Notre vérité immédiate de père, de mère, d’enfant, de colocataire, c’est ce que le regard d’amour du Bon Pasteur fait grandir, et qui nous rend bienfaisants à son image.
On parlait autrefois d’ « Eglise domestique » comme premier lieu de vie chrétienne, et le Pape François a évoqué « l’odeur de ses brebis » comme nécessaire à toute légitimité d’autorité dans l’Eglise. – Alors, « prenez soin » du bon pasteur que Jésus fait grandir en vous.
Yves Le Corre, diacre.