La pauvreté du Christ nous enrichit
Le message du Saint-Père pour la 6e Journée mondiale des Pauvres, qui sera célébrée le 13 novembre prochain dans l’Église universelle revient sur la pauvreté engendrée par la guerre entre l’Ukraine et la Russie, critique les comportements «d’assistance» envers les pauvres, et distingue la pauvreté qui tue de celle qui libère, enracinée dans l’amour du Christ.
Après la «tempête de la pandémie», la guerre en Ukraine vient contribuer aux «nombreuses pauvretés actuelles», explique le Pape François dans ce nouveau message, daté du lundi 13 juin.
La souffrance des innocents
«Combien de pauvres l’absurdité de la guerre engendre- t-elle !», regrette-t-il, après avoir évoqué le conflit qui sévit dans l’Est de l’Europe. Une guerre due à «l’intervention directe d’une « superpuissance » qui entend imposer sa volonté contre le principe d’autodétermination des peuples. Des scènes de tragique mémoire se répètent et, une fois de plus, les chantages réciproques de certains puissants couvrent la voix de l’humanité qui appelle à la paix», déplore le Souverain Pontife.
«Partout où l’on regarde, on constate combien la violence frappe les personnes sans défense et les plus faibles ; déportations de milliers de personnes, surtout des garçons et des filles, pour les déraciner et leur imposer une autre identité», poursuit-il.
François décrit les conséquences dramatiques des guerres sur la condition de vie des populations touchées, et s’interroge: comment leur apporter «soulagement et paix» ?
Cultiver la générosité
Le Successeur de Pierre se réfère alors aux sources du christianisme, à l’époque où les premières communautés chrétiennes connaissaient elles aussi des situations de précarité. L’apôtre Paul en rend compte dans ses lettres, notamment l’une adressée aux chrétiens de Corinthe, dont un verset constitue le thème de ce message: Jésus «de riche, s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté» (2 Co 8, 9). Paul y invite les Corinthiens à faire un don chaque premier jour de la semaine pour la communauté de Jérusalem. Cette aumône hebdomadaire s’est perpétuée, et se manifeste de nos jours avec la quête dominicale.
Toutefois, cet élan solidaire peut s’étioler, avertit le Saint-Père, évoquant l’accueil de «millions de réfugiés des guerres au Moyen-Orient, en Afrique centrale et maintenant en Ukraine. Les familles ont ouvert largement leurs maisons pour faire de la place à d’autres familles, et les communautés ont accueilli avec générosité nombre de femmes et d’enfants pour leur offrir la dignité qui leur est due», reconnait-il. Mais la situation perdure aujourd’hui, et va «au-delà de l’urgence». «C’est le moment de ne pas faiblir et de renouveler la motivation initiale. Ce que nous avons commencé doit être achevé avec la même responsabilité», encourage François.
Agir librement et par amour
L’œuvre de charité, complète le Pape, ne doit cependant pas naître de la contrainte ou de la pure nécessité. Elle doit avant tout être un «signe de l’amour, comme Jésus Lui-même en a témoigné. En somme, la générosité envers les pauvres trouve sa motivation la plus forte dans le choix du Fils de Dieu qui a voulu se faire pauvre Lui-même». La liberté chrétienne est en jeu.
Il faut aussi témoigner par des actes: «Face aux pauvres, on ne fait pas de rhétorique, mais on se retrousse les manches et on met la foi en pratique par une implication directe qui ne peut être déléguée à personne», écrit François. Et cela, sans «relâchement» ni incohérence, et en conservant un rapport sain avec l’argent, qui «ne peut pas devenir un absolu, comme s’il était le but principal». «Rien de plus néfaste ne peut arriver à un chrétien ou à une communauté que d’être ébloui par l’idole de la richesse qui finit par enchaîner à une vision de la vie éphémère et défaillante», dénonce le Souverain Pontife.
L’évêque de Rome demande aussi de délaisser tout «comportement d’assistance envers les pauvres», afin de plutôt «s’engager pour que personne ne manque du nécessaire. Ce n’est pas l’activisme qui sauve, mais l’attention sincère et généreuse permettant de s’approcher d’un pauvre comme d’un frère qui tend la main (…)», peut-on lire dans le message.
Une pauvreté source de vie
Dans une autre partie, le Pape réfléchit sur le sens de la pauvreté, en s’appuyant sur celle vécue par le Christ. «L’expérience de faiblesse et de limitations que nous avons vécue ces dernières années, et maintenant la tragédie d’une guerre aux répercussions mondiales, doivent nous enseigner une chose de décisive: nous ne sommes pas au monde pour survivre, mais pour qu’une vie digne et heureuse soit permise à chacun. Le message de Jésus nous montre la voie et nous fait découvrir qu’il existe une pauvreté qui humilie et tue, et qu’il existe une autre pauvreté, la sienne, qui libère et rend serein», écrit-il. En résumé, «il y a une pauvreté qui rend riche».
Le Saint-Père décrit alors la «pauvreté qui tue»,et qui a pour autres noms la misère, la précarité, l’indigence, dont sont victimes les personnes exploitées.
La «pauvreté qui libère» est en revanche celle qui permet de «se concentrer sur l’essentiel», «l’amour vrai et gratuit». Elle s’expérimente dans le service des plus petits, lesquels, «avant d’être objet de notre aumône, sont des sujets qui nous aident à nous libérer des liens de l’inquiétude et de la superficialité».
Et c’est là, comme l’enseigne saint Paul, «le grand paradoxe de la vie de foi: la pauvreté du Christ nous enrichit», souligne le Pape. «Par amour, il s’est dépouillé et a assumé la condition humaine. Par amour, il est devenu un serviteur obéissant, jusqu’à mourir et mourir sur la croix (cf. Ph 2, 6-8). Par amour, il s’est fait «le pain de vie» (Jn 6, 35), afin que personne ne manque du nécessaire et puisse trouver la nourriture qui nourrisse pour la vie éternelle».
À l’école de saint Charles de Foucault
Pour les croyants d’aujourd’hui, il s’agit donc de «suivre la pauvreté de Jésus-Christ, partageant la vie par amour, rompant le pain de son existence avec les frères et sœurs, en commençant par les derniers, ceux qui manquent du nécessaire, pour que l’égalité soit faite, pour que les pauvres soient délivrés de la misère et les riches de la vanité».
François conclut ce message pour la 6e Journée mondiale des Pauvres en donnant en exemple saint Charles de Foucault, canonisé le 15 mai dernier. Un «homme qui, né riche, a tout abandonné pour suivre Jésus et devenir avec lui pauvre et frère de tous». Citant quelques phrases issues d’une méditation de l’ermite français, le Souverain Pontife loue «son style de vie concret l’amenant à partager avec Jésus le don même de la vie».
Il souhaite enfin que l’évènement qui aura lieu le 13 novembre prochain soit «une occasion de grâce pour faire un examen de conscience personnel et communautaire et nous demander si la pauvreté de Jésus-Christ est notre fidèle compagne de vie».