Que diriez-vous qu’aujourd’hui, nous fassions un peu d’histoire ?
Savez-vous en effet d’où vient la fête de l’épiphanie ?
Connaissez-vous son histoire et son développement ?
Car oui, si nous nous rappelons encore aujourd’hui ces mages venus d’Orient,
qui viennent adorer un roi d’un genre nouveau, c’est probablement que le récit est plus qu’anecdotique.
Alors pour éviter que nous ne nous perdions, je vous propose que nous tissions peu à peu le fil de notre histoire :
au moment de la rédaction des évangiles, nous sommes déjà avec la seconde ou la troisième génération des disciples. Les premiers apôtres commencent à mourir et l’on se dit qu’il pourrait être intelligent de mettre par écrit ce que d’autres nous ont transmis par oral, afin de ne pas perdre le cœur de cette foi qui est la nôtre. Le risque en effet est grand qu’une forme de confusion s’installe ; car nous sommes à l’époque dans une période où la gnose, une sorte de syncrétisme entre les religions existantes, a le vent en poupe. C’est-à-dire que nous voyons comme un genre de méli-mélo théologique de plusieurs religions qui s’entremêlent. Parmi ces nouvelles religions à caractère gnostique, nous avons par exemple des cultes à mystère, comme les cultes d’Isis et d’Osiris en Egypte, ou le culte de Mithra, en Perse. Pour les évangélistes, comme Luc (qui l’exprime d’ailleurs clairement au début de son évangile) il s’agit donc de faire en sorte que le croyant puisse vérifier le contenu de ce qu’on lui a transmis par oral afin de ne pas se perdre.
Déjà, à partir de là, peut-être pouvons-nous commencer à comprendre pourquoi Saint Matthieu nous présente aujourd’hui des mages qui scrutent les astres pour aller visiter le Christ. Il n’y a plus de science des astres ni de déterminisme, il n’y a plus que la liberté en Christ. Leur science s’est écroulée au moment où ils se sont mis à genoux.
Nous avons donc notre base, la mise en place même du récit.
Maintenant de quelle manière la fête de l’épiphanie s’est-elle déployée dans l’histoire ?
Dans l’Eglise primitive, le mystère Pascal se célébrait toute l’année. Ce n’est que peu à peu que l’Epiphanie est venue précéder la Pâque. En effet, il fallait manifester que le Seigneur avait sanctifié notre chair ; que parce que Christ s’est fait homme, l’homme se découvrait un caractère extraordinaire.
Considérant qu’il n’existe pas de mystère analogue à la théologie Pascale, c’est la raison pour laquelle en Occident, l’Epiphanie et Noël se fêtent au cours d’une messe, comme aujourd’hui : pour placer au centre de l’Incarnation du Roi des rois le mystère de Pâques.
S’il est vrai qu’en Occident, la fête de Noël arrive le même jour qu’une fête Païenne (Le Natalis Solis Invicti – Culte du Soleil invaincu) instituée par l’empereur Aurélien en 274 durant le Solstice d’Hiver, penser que cette fête de Noël aurait été faite juste pour remplacer le culte des persécuteurs est un peu léger. Comme souvent, les raisons sont multiples, de même que les symboles qui encouragèrent les chrétiens des premiers siècles à choisir cette date plutôt qu’une autre. Et la naissance de l’Epiphanie est relativement semblable, avec les mêmes intentions en Orient, où le 6 Janvier était aussi dédié à une fête solaire.
A Alexandrie cependant, le 6 Janvier était aussi la fête du fleuve Nil, avec des rituels où l’on mettait des barques illuminées sur le fleuve. Nous avons donc là-bas pour les chrétiens la base d’une fête à caractère baptismal avec un fort caractère de l’eau.
En Gaule maintenant, on fête une Epiphanie un peu différente, St Césaire d’Arles nous parle d’une fête où l’on célèbre la « Tria Mirabilia » : la visite des mages, le Baptême du Seigneur et les Noces de Cana.
Nous le voyons, les fêtes de Noël arrivent dans un période de quête christologique (les gens veulent découvrir ce Christ dont on leur a parlé), avec un contexte de fêtes païennes. Nous avons pointé l’importance de la dépendance de Noël d’avec Pâque. De même que nous avons rappelé l’importance des évangiles, qui colorent, chacun de manière différente, les fêtes que nous célébrons encore aujourd’hui. Notre liturgie est le fruit d’une histoire. Et notre calendrier même, nous est proposé comme une catéchèse. Dans le cœur de l’hiver, au moment où la nuit semble si longue, voici qu’un Sauveur apparaît dans le plus humble des apparats. Devant lui, les sages et les savants s’inclinent. Et après cette première venue du Christ, nous attendons maintenant le printemps de la Parousie nouvelle.
Je crois. Amen.
Père Louis Mathieu, vicaire sur le pôle paroissial Saint-Benoît/Notre-Dame des Pauvres